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Le musulman peut-il épargner son argent ? Si oui comment ?

Le musulman peut-il épargner son argent ? Si oui comment ?

Article écrit par Amine NAIT-DAOUD du groupe easi 570 

Il est bien connu que les plus grands savants de l’islam, depuis l’époque du prophète Mohammed (saws), ont divergé sur de nombreuses questions sans diverger sur les fondements.
De même, les plus grands théoriciens de l’économie moderne ont également divergé sur de nombreux sujets mais ont admis parmi les fondements une règle absolue que tout professeur d’économie qui se respecte vous enseignera dès les premiers cours : l’être humain agit dans un seul but, maximiser son bien-être individuel.

Le « bien-être » est une notion très relative puisqu’il appartient finalement à chacun d’en définir les conditions. En effet, nous comprenons sans difficulté que deux personnes A et B ayant des situations en tous points similaires (revenus, situation familiale, situation professionnelle, etc.) puissent pour autant faire des choix différents dans leurs orientations budgétaires.
A titre d’exemple, imaginons qu’une prime inattendue de mille euros soit versée à A et B. A choisit de mettre cette somme de côté, il s’agit d’une épargne. B, quant à lui, choisit de donner une partie de cette somme en aumône pour l’ouverture d’une nouvelle école privée musulmane en France (sadaqa) et de prêter l’autre à un étudiant qui n’a pas les moyens de financer ses études (qard). Lequel de ces deux choix est-il le plus optimal ? Eh bien aucun ! Ou plutôt, les deux ! Tant que A et B ont chacun fait des choix qui contribuent à maximiser son bien-être. Si A accorde beaucoup d’importance au fait d’épargner en vue d’acquérir un bien immobilier dans quelques années, alors son choix est cohérent et maximise effectivement son bien-être. Si B est très sensible au fait de venir en aide aux autres, alors son choix est également cohérent et maximise également son bien-être. Les deux choix sont donc optimaux, chacun selon ses goûts, ses préférences, sa sensibilité à telle ou telle thématique, etc.

Mais existe-t-il une manière de maximiser son bien-être qui soit plus « islamique », plus conforme à l’éthique musulmane ?

Nous aborderons le sujet en trois points :
1. Quelques orientations pour une maximisation du bien-être plus proche de l’esprit de l’islam
2. Rappel de quelques règles à respecter pour épargner dans le respect des règles du droit musulman afférant aux transactions commerciales et financières
3. Un produit d’épargne halal est avant tout un produit d’épargne : rappel des principes financiers universels

L’épargne en islam ?

Commençons par rappeler que l’épargne se définit comme la part du revenu d’une personne qui n’est pas consommée immédiatement mais plutôt mise de côté en vue d’une consommation ou d’une dépense future. Dès lors, rien dans les sources du droit musulman ne s’oppose au principe de l’épargne.

Epargner est donc non seulement licite, mais aussi naturel et cohérent puisque la gestion du budget de la famille se fait de manière dynamique. Nous avons différentes entrées d’argent et différentes dépenses et toutes n’obéissent pas au même calendrier. A titre d’exemple, une personne peut être amenée à épargner plusieurs années durant pour être en mesure de supporter le coût du pèlerinage (Hajj). Au moment où ce dernier a commencé à épargner, il avait donc en tête une dépense future.

En revanche, serait-il acceptable pour un musulman d’épargner de manière systématique, sans aucun objectif, sans aucun besoin ni aucune nécessité, dans le seul but de faire grossir son capital ad vitam aeternam, comme si l’argent était une fin en soi ? Serait-il acceptable de préférer ainsi l’épargne à la dépense pour les causes nobles (dépense facultative), ou pis encore, de mettre en péril les besoins de sa famille (dépense obligatoire) au profit de plus d’épargne ? La réponse nous est donnée par les textes à plusieurs reprises, et nous citerons ici les versets coraniques 1 à 4 de la sourate « Al Houmaza » (« Les Calomniateurs ») :

[1] Malheur à tout calomniateur à la langue acérée, [2] qui ne fait qu’amasser des richesses et se complait à les énumérer, [3] s’imaginant que sa fortune lui assurera l’éternité ! [4] Gare à lui ! C’est dans la Houtama (un des noms de l’Enfer) qu’il sera précipité.

In fine, nous en revenons donc naturellement à la notion de « juste milieu » avec un équilibre à trouver dans toute chose, et cela s’applique également à la gestion de son budget et à l’épargne.

Les besoins primaires au sens de l’islam sont définis : se nourrir, se loger, se vêtir, se déplacer. Celui qui, de par sa situation, ne parvient à répondre à aucun de ces besoins est qualifié de « miskîn » tandis que celui qui ne les satisfait que partiellement est qualifié de « faqîr ». Ces qualificatifs sont définis par les savants à la lumière du verset coranique listant les huit catégories de personnes éligibles à la perception de la zakât :
[] Les aumônes (ici la zakât) ne sont destinées qu’aux pauvres (« fouqarâ », pluriel de « faqîr »), aux indigents (« massâkîn », pluriel de « miskîn »), à ceux qui y travaillent, à ceux dont les cœurs sont à gagner, à l’affranchissement des jougs, à ceux qui sont lourdement endettés, dans le sentier d’Allâh, et au voyageur en détresse. C’est un décret divin. Et Allâh est Omniscient et Sage.
Nous avons ici la preuve, s’il en fallait, que les besoins primaires cités plus haut sont ceux auxquels le musulman doit donner la priorité dans ses dépenses.

Nous avons même dans le 2e pilier de l’islam qu’est la zakât (impôt social purificateur) la preuve que :
1. l’islam tolère même la forme la plus improductive d’épargne, la thésaurisation (qu’on appelle aussi « les bas de laine »), en prévoyant une imposition de celle-ci à hauteur de 2,5%/an.
2. l’islam incite le musulman à faire circuler son argent dans l’économie réelle, à placer, à investir (dans le respect des règles du droit musulman y afférant) en allégeant considérablement l’imposition sur les investissements productifs.

La première s’apparente à ce qu’on appelle usuellement l’« épargne de précaution ». Il s’agit ici de la petite caisse que l’on se constitue pour les pépins du quotidien ou les dépenses imprévues. Il ne s’agit donc pas ici de rechercher la thésaurisation.

La question qui se pose est donc plutôt de savoir si cette épargne se matérialisera ou non par un placement et, dans ce cas, si ce placement est licite ou pas.

Les produits d’épargne actuels sont basés sur l’intérêt (ribâ).

Livret A, Plan d’épargne logement (PEL), Livret jeune, Livret développement durable, Assurance-vie, autant de noms que nous avons l’habitude d’entendre ou de lire à la banque.

Nombre de musulmans détenteurs de ce type de produits ne se sont jamais posé la question de savoir s’il est autorisé ou non d’y souscrire. Et pourtant, il s’agit de la manifestation la plus directe des intérêts prohibés par l’islam. En souscrivant à un produit de ce type, vous prêtez votre argent à la banque en lui facturant des intérêts.

[278] Ô vous qui croyez ! Craignez votre Seigneur et renoncer à tout reliquat d’intérêt, si vous êtes des croyants sincères ! [279] Et si vous ne le faites pas, attendez-vous à une guerre de la part de Dieu et de Son Prophète […]

Pourquoi alors autant de musulmans ont-ils des livrets A et autres PEL ? Tantôt parce qu’il s’agit de livrets que nos parents avaient ouverts pour nous lorsque nous étions plus jeunes et auxquels nous n’avons jamais vraiment prêté attention, tantôt nous les avons ouverts nous-mêmes, charmés par le beau discours du conseiller financier de notre banque.

De nombreux conseillers bancaires savent que les intérêts contenus dans ces produits posent problème à leur clientèle musulmane. Ils prennent ainsi les devants en proposant de reverser les intérêts perçus à des œuvres de bienfaisance islamique, ce qui en réalité ne change rien au péché que représente la perception d’intérêts.

Comment placer mon épargne tout en respectant mon éthique ?

Retrouvez aussi plus d’articles sur la question des finances et du budget au sein du foyer musulman (avec une interview de cheikh Mohammed PATEL) dans ce numéro

Le minimum vital pour chaque musulman est d’éviter de souscrire à tout produit générateur d’intérêts tels que le Livret A, le PEL, etc. et de se limiter à l’usage d’un compte courant non rémunéré. Pour épargner, il suffira d’ouvrir un 2nd compte courant (non rémunéré) sans chéquier ni carte bleue et de ne l’utiliser que pour y déposer son épargne tandis que le compte courant principal (également non rémunéré) servira à la gestion du quotidien.

Vous l’aurez compris, cette proposition est une première étape qui vous permet de mettre votre épargne à l’abri de toute rémunération illicite, mais elle ne permet pas de faire fructifier son argent. Dans un prochain article, nous détaillerons les typologies de placement halal qui peuvent exister, même si le terrain de l’épargne halal en France est encore quasi vierge.

A propos de l'auteur

8 commentaires

  1. Hala

    Les placements dans les SCPI sont un bon moyen d’épargner son argent d’obtenir des rémunérations tout en respectant l’éthique islamique.

    Réponse
    • Amel Rachem

      Décrivez-nous le principe des SCPI pour nos lecteurs ^_^nn1

      Réponse
  2. fatma rabah

    Est ce que l épargne étude est aussi illicite?

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    • Nadia

      Salam aleykoum Fatma, je vous inviter à aller consulter le site easi570 pour votre interrogation.

      Réponse
  3. Ibrahim S

    Salam Aleykoum

    Les SCPI mettent en commun les fonds collectés et investissent dans l’immobilier pour les mettre en location. Certaines SCPI investissent en Allemagne où l’économie se porte mieux ou encore le Benelux. Pour du long terme c’est excellent! ET HALAL!
    Pour du court-terme les spécialistes parlent du risque de surchauffe!
    Une alternative proposée est les OPCVM, mais …risque de toucher du haram! OPCVM =60 à 90% SCPI +10 à 40% d’investissements obligataires : titres,… et vous ne gérez pas les investissements.

    J’espère que j’ai éclairci ceux qui se posaient la question

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  4. fatima

    Salam alaykum, vous conseillez d’ouvrir un autre compte courant non rémunéré pour y « mettre notre épargne à l’abri de toute rémunération illicite »… est ce vraiment ce qu’il nous convient de faire si on veut être en accord avec notre religion ? En effet je crois savoir que les banques font travailler même l’argent qu’on dépose sur ce type de compte, donc même on ne touche pas d’intérêts , notre argent en produit et en rapporte à notre banque.

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    • Brahim AIT YAHIA

      Madame Fatima
      Je me pose la même question que toi

      Pour en discuter brahim51@gmx.com

      Réponse
  5. Madjid Boualem

    Tout à fait Hala c’est ce que j’ai pensé à faire d’acheter des parts en Scpi pouvez vous me conseiller des scpi que vous connaissez fiables et que vous avez essayé
    Ya il d’autres pistes pour l’investissement ou bourse ou autre chose halal avec des sources moyens merci

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