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Vache à lait, toute la vérité !

Vache à lait, toute la vérité !

وَ الْأَنْعامَ خَلَقَها لَكُمْ فِيها دِفْ ءٌ وَ مَنافِعُ وَ مِنْها تَأْكُلُونَ وَلَكُمْ فِيهَا جَمَالٌ حِينَ تُرِيحُونَ وَحِينَ تَسْرَحُونَ» (6-5 : النحل)

5. Et les bestiaux, Il les a créés pour vous; vous en retirez des [vêtements] chauds ainsi que d’autres profits. Et vous en mangez aussi.
6. Ils vous paraissent beaux quand vous les ramenez, le soir, et aussi le matin quand vous les lâchez pour le pâturage.

Allah nous rappelle à travers ces versets un de Ses bienfaits sur nous : les animaux qui ont été assujettis pour nous, les Hommes. Nous en retirons tant d’avantages : des vêtements, des couvertures, de la viande à manger, du lait à boire…

Mais, y a-t-il une limite dans notre exploitation de ces bêtes ? Avons-nous le droit de les utiliser comme des objets et en profiter sans compassion ?
Prenons l’exemple de la vache, animal peut-être le plus présent dans notre alimentation à travers la viande bovine et surtout le « fameux » lait qui soulève de nombreuses polémiques.

Il était une fois la vache…
Avant d’arriver à la belle bouteille de lait et à la viande commercialisée sous différentes formes, rappelons l’histoire naturelle de l’ancienne vache. Cette vache qui vivait dans un troupeau mixte contenant des mâles et des femelles de tous les âges, qui portait son bébé pendant neuf mois, se mettait à l’abri pour le mettre au monde. Faible et fragile à la naissance, il restait dans sa cachette où sa tendre mère lui donnait un premier lait, le colostrum qui renforçait son immunité et le préparait à affronter la vie. Le veau tétait sa mère à la demande pendant qu’elle lui apprenait à brouter dans les pâturages. Au bon moment, vers dix mois à peu près, elle procédait au sevrage progressif.
Cette vache, très généreuse, avait du lait non seulement pour son veau, mais également pour son ami, le paysan qui veillait sur elle. Ce dernier profitait bien de cette famille bovine qui l’aidait à labourer la terre, lui donnait du bon lait et au besoin lui fournissait de la viande, et même du cuir.

La technologie arrive…

Avec l’avènement de la technologie, l’agriculture se révolutionnait et l’homme n’avait plus besoin de l’animal pour faire ses travaux. Il l’a remplacé par des machines plus performantes. Désormais, on ne parle plus de l’animal, ami et compagnon de l’homme, mais de « l’animal produit ». Bien évidemment, c’est l’ère de l’homme moderne dont l’objectif principal est de maximiser la rentabilité et le profit. Le travailleur agricole qui arrivait à peine à subvenir à ses besoins, est désormais capable de produire la subsistance d’un nombre de plus en plus croissant d’individus. Les connaissances scientifiques et technologiques laissent aspirer à cette formule magique : obtenir plus en fournissant moins. C’est ainsi que de nouvelles idées émergent avec l’agriculture capitaliste telles que la spécialisation et l’intensification des modes de production.

La spécialisation, clé de l’agriculture capitaliste

Il existe aujourd’hui deux types de bovins : une race laitière où la vache est élevée uniquement pour son lait. Ce lait n’est plus donné au veau, mais est exclusivement destiné à la consommation humaine, sa viande n’est qu’un sous-produit. Le deuxième type est une race à viande. Son lait n’est pas exploité en raison de sa faible rentabilité. De nos jours, certaines races bovines, comme garonnaise, ont disparu car elles n’entrent pas dans la catégorie grande quantité de lait ou grand volume de viande.

La spécialisation préconise aussi la séparation des bovins selon leurs sexes et âges. On élève des vaches seules, des veaux, des bœufs, etc.

La génétique, beaucoup de solutions

C’est depuis le XVIIIe siècle qu’on a commencé à sélectionner les bêtes de sorte que seules les races les plus productives soient conservées. Mais c’est avec l’avènement de la génétique et en particulier l’insémination artificielle que le paysage agricole va réellement changer. ll n’y a plus besoin d’avoir recours à un taureau pour féconder les vaches. A la place, on prend la meilleure semence qui permet d’engendrer les meilleurs « fils » en terme de viande ou les meilleures « filles » en terme de production de lait. Le taureau devient alors un produit annexe dans les élevages, ce qui permet de réduire considérablement les coûts et maîtriser les naissances. Rappelons que le taureau a un instinct de reproduction très élevé. Il devient agressif lorsqu’on contrôle son contact avec les vaches.

La famille bovine moderne

Progressivement, l’élevage agricole a évolué vers des usines d’animaux.
La famille bovine est réduite à :

– Un taureau élevé dans des centres d’insémination artificielle où il ne voit jamais les vaches, mais il doit produire du matériel génétique soit par stimulation électrique, soit par la mise en contact avec un autre mâle docile, le boute en train, puis installation d’un vagin artificiel pour récolter sa semence.
Si on ne décide pas d’en faire un taureau, le mâle de la vache est alors castré à vif, une opération qui élimine ses testicules pour inhiber ses hormones, ce qui fait de lui un bœuf docile et plus gros.

-Une vache laitière ou une vache allaitante.
La vache laitière est une mère en deuil. Elle passe sa courte vie à porter des bébés qu’elle ne verra jamais et à donner son lait à une machine. Elle ne connaît pas non plus le (ou les) progéniteur(s) de ses bébés. De plus, pour contrôler son cycle, elle est bourrée d’hormones afin de donner le bon lait au bon moment. Cette vache surexploitée, produisant des quantités énormes de lait, devient rapidement très fragile et tombe souvent malade. Elle se fait alors doper en antibiotiques et elle n’échappe pas à la vaccination préventive.
La vache allaitante, celle dont le produit de vente est appelé “veau sous la mère”, allaite généralement son veau pendant trois mois. Par rapport à la vache laitière, elle a l’avantage de connaître son veau et d’accéder aux pâturages. Certes, elle mène une vie plus heureuse que la vache laitière, mais elle souffre aussi des restrictions qu’on lui impose comme le contrôle strict de son contact avec son nourrisson ou le sevrage anticipé et forcé.

Ces vaches « modernes » qui, dans l’état naturel vivaient jusqu’à 25 ans, sont généralement réformées au bout de 4 à 6 ans par épuisement et infertilité à cause de leur surexploitation et leur détresse.

– Un veau qui n’a pas non plus une destinée plus heureuse. Il est écorné (on lui enlève les cornes) dès la naissance pour assurer plus de sécurité dans les élevages. Chez la race laitière, la moitié des génisses servent à renouveler l’équipe des vaches laitières. L’autre moitié est engraissée pour être abattue au même titre que la plupart des veaux mâles. Les veaux de cette race qui produit tant de lait sont enfermés dans des cases individuelles durant les premières semaines de leur vie et n’ont droit au lait de leur mère que pendant les 24 heures suivant leur naissance, souvent dans un biberon ou un seau. Ce colostrum est – rappelons-le – l’unique protection immunitaire pour le jeune veau. L’en priver crée un déficit immunitaire difficile à combler par le lait industriel de substitution qu’on lui administre. Les traitements médicamenteux s’avèrent inévitables.

Par ailleurs, les veaux sous la mère sont des veaux plus heureux car selon le type d’élevage, ils peuvent avoir accès aux pâturages et au lait de leurs mères avec plus ou moins de liberté. Ces veaux sous la mère représentent la meilleure viande française, ils sont commercialisés sous l’étiquette du “label rouge”.

Tous les veaux sont engraissés avant d’aller à l’abattoir. Ils avalent des aliments industriellement fabriqués pour garantir une croissance rapide au détriment de l’alimentation naturelle plus saine.

Où est la miséricorde ?

Très peu d’études scientifiques traitent de la sentience des animaux et de leur conscience, mais l’islam nous fournit la plus grande étude de miséricorde envers les animaux. Le prophète (saws) nous a appelé à traiter les animaux avec respect et dignité. Il interdit la pratique consistant à couper la queue et la crinière des chevaux, à marquer les animaux au fer rouge et même à garder les chevaux attelés inutilement (sahih mouslim). S’il voyait un animal surchargé ou mal nourri, il allait voir son propriétaire et lui disait : « Crains Dieu dans ta façon de traiter les animaux. » (Abû Dâwûd). Le prophète (saws) nous a également appris de respecter le lien mère-bébé chez les animaux. Un des compagnons du Prophète raconte : « Nous étions en voyage, puis nous nous sommes arrêtés quelque part. À un moment où le Prophète s’était éloigné de nous, nous vîmes un oiseau avec ses deux petits, que nous prîmes dans nos mains. La mère se mit alors à virevolter au-dessus de nous, très énervée. Quand le Prophète revint vers nous, il dit : « Qui a provoqué cette détresse, chez cet oiseau, en prenant ses petits? Rendez-les-lui! » (sahih mouslim)
Le prophète (saws) nous a également montré que la compassion envers un animal a une grande récompense auprès d’Allah. Il a également avertit celui qui torture ou abuse d’un animal du châtiment de Dieu comme cette femme qui a été tourmentée en enfer à cause d’une chatte qu’elle avait enfermée sans la nourrir et l’abreuver jusqu’à ce qu’elle pérît (Al-Bukhârî, Muslim).

Que mangent les bovins ?

Non seulement les bovins ne boivent plus le lait de leurs mères, mais en plus ils consomment de nouveaux produits concoctés par les soins de l’homme « moderne ». Dans les fermes traditionnelles, les bovins mangeaient de l’herbe fraîche dans les près. En hiver, on leur distribuait du foin qui n’est autre que de l’herbe séchée. Cependant, cette formule n’entre plus dans la charte de produire le plus, fournir le moins. Les ensilages ont été introduits dans l’alimentation des bovins pour donner des compléments protéiques et énergétiques. Il s’agit d’un processus de fermentation destiné à conserver le fourrage à l’état humide en offrant une grande valeur nutritive. Les ensilages de maïs ont ainsi permis d’hypertrophier les mamelles des vaches pour passer d’une production de 5 à 8 litres à 50 litres par jour.
Ce système est certes efficace par sa simplicité et sa bonne conservation, mais il est malsain et insatisfaisant à bien des égards. Les cultures fourragères sont gourmandes en eau, utilisent beaucoup d’engrais, de pesticides, d’additifs et sont généralement d’origine transgénique. Les vaches développent ainsi beaucoup de maladies comme les cancers. Elles sont soumises au risque d’intoxication sans oublier qu’elles deviennent alcooliques (alcool dû à la fermentation des végétaux). La part de l’herbe, l’aliment naturel des vaches, devient minime. Le nombre de pâturages naturels diminue au détriment des cultures fourragères (maïs, colza, soja, …).
Mais, Allah a fait de la vache un animal ruminant qui digère l’herbe. Elle a besoin de passer plus de 10 heures par jour à mastiquer et ruminer pour produire de la salive qui, par son acidité assure l’équilibre bactérien dans son estomac. Sobhan’Allah, un équilibre naturel qui fait du pâturage un besoin irremplaçable.
Une petite pensée s’impose aux troupeaux bovins brûlés vifs suite à la maladie de la vache folle causée par l’alimentation inadaptée.
Rappelons cette parole divine pour méditer…

كُلُوا وَارْعَوْا أَنْعَامَكُمْ إِنَّ فِي ذَلِكَ لَآيَاتٍ لِّأُوْلِي النُّهَى (54 : طه)
“Mangez et faites paître votre bétail”. Voilà bien là des signes pour les doués d’intelligence.” (20:54)

Que mangent les musulmans dans leurs assiettes ?

Les musulmans comme tous consommateurs inconscients des conséquences des nouvelles pratiques agricoles boivent le lait de ces vaches en deuil et mangent la viande de ces animaux-produit, souvent malades et traités sans compassion.
Pour le lait, même l’agriculture biologique procède à la séparation mère-veau et recourt systématiquement à l’insémination artificielle.
Pour la viande, la culture biologique, qui est un peu plus éthique par l’absence de pesticides et d’antibiotiques est presque absente sur le marché du halal.
En d’autres termes, le musulman consomme une chair pétrie de souffrances et de poisons. Les mauvais traitements retombent certainement sur sa santé et diminuent la bénédiction (baraka) dans sa vie. La transmissibilité des antibiotiques, des maladies et du malheur de ces animaux est incontestable. On se demande alors d’où viennent le stress, le cancer, les allergies,…
En tant que musulmans, peut-on rester indifférents face à ces pratiques d’élevage banalisées et généralisées de nos jours ?

Comment réagir ?

Il est certain que les choses ne changeront pas s’il n’y a aucune réaction collective de la part des consommateurs musulmans. Or, ces pratiques sont régies par la loi de l’offre et la demande, le consommateur a un rôle important dans cette équation. S’il se préoccupe davantage de la qualité du contenu de son assiette et de l’imapct sur les animaux et la planète, l’offre ne peut que s’améliorer pour assurer une alimentation plus saine et aussi chercher l’agrément d’Allah. Comment pouvons-nous consommer de façon plus intelligente ?

Nous pouvons, à titre d’exemple:
– Bannir de notre panier la viande de bœuf, un animal modifié par castration. N’est-ce pas une altération de la création d’Allah ?
– Cesser de consommer les viandes transformées (salami, saucisses, …) généralement fabriquées avec des additifs cancérigènes et dépourvues de valeur nutritive.
– Exiger avec insistance, auprès de notre boucher, du label rouge et du bio respectueux du bien être de l’animal.
– Diminuer la consommation de la viande par simple plaisir sachant que la consommation excessive peut nuire à notre corps.
– Diminuer notre consommation de produits laitiers. Avons-nous réellement besoin de manger tant de fromages, de yaourts, de crèmes fraîches et de beurre ? Pensons à la vie misérable de toutes ces vaches laitières, au stress qu’elles endurent pour donner ce lait. Un acte de compassion vers un animal, s’il est fait avec l’intention de craindre Allah, aura incha’Allah une grande récompense auprès d’Allah.

« Alors qu’un homme cheminait, il fut pris d’une grande soif. Il trouva un puits dans lequel il descendit et but. Quand il en sortit, il vit un chien haletant qui mangeait de la boue sous l’effet de la soif. L’homme se dit : « Ce chien est en proie à une soif semblable à celle que je viens d’éprouver il y a peu. » Il descendit alors dans le puits et remplit d’eau sa chaussure qu’il tint entre ses dents jusqu’à ce qu’il se hissât en dehors du puits. Ainsi, il donna à boire au chien. Dieu lui en fut reconnaissant de sorte qu’il lui pardonna, et le fit entrer au paradis. » Les compagnons du Prophète lui demandèrent (surpris) : « Ô Messager de Dieu, nous serions récompensés pour (avoir été compatissants envers) des animaux ? » Le Prophète dit : « Pour tout foie humide (c’est-à-dire tout être vivant), il y a une récompense.» (Al-Bukhârî, Muslim).

écrit par Ibtissem GRISSA, ingénieur polytechnicienne et docteur en biologie. Elle s’occupe des ateliers de vulgarisation scientifique au sein de l’association musulmans petits et grands.

A propos de l'auteur

3 commentaires

  1. fai

    As salem aylikum

    très bel article sur la responsabilité que nous avons envers les créatures d’Allah. Il est important de repenser notre mode de consommation et de trouver des alternatives plus équitables, en s’informant et en arretant l’achat compulsif. Ne devenons pas des corps affamés sans conscience.

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  2. feng

    Salam
    je suis absolument ravie de cet article, il me redonne encore plus la motivation d’oeuvrer dans le chemin qui me semble bon, malgré tout ce qu’en pense mon entourage qui me trouve irraisonnée. Manger de la viande (peu importe son origine du moment que c’est halal) c’est se donner de la force…
    Et au contraire, je pense que la force vient d’une alimentation frugale, peu chère et dont la préparation est facile. Pourquoi faudrait il se ruiner pour être en bonne santé avec de la viande presque tous les jours ? Allah est le Juste et certainement Il a permis au pauvre d’être en bonne santé. Mais nous savons très peu sur les secrets de la nutrition. Merci infiniment pour cet article et continuez. Qu’Allah agrée vos oeuvres.

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  3. MPEG

    Salam,

    Voici encore un scandale de l’élevage des vaches laitières :
    La mort de 80 vaches laitières à cause d’une surdose alimentaire!
    Des vaches qui mangent un peu plus de concentrés alimentaires meurent d’une acidose… Pourquoi?
    parce que ce n’est pas la nourriture « naturelle » des vaches!
    Allah a fait que les vaches soient des herbivores : elles mangent de l’herbe qu’elle ruminent! Et c’est en ruminant qu’elles produisent de la salive qui va établir l’équilibre acido-basique (elle produit jusqu’à 180l de salive par jour). Mais pour produire plus de cinq fois sa capacité naturelle, on lui donne des concentrés qui ne nécessitent pas de rumination…

    http://www.leprogres.fr/loire/2015/05/04/quatre-vingts-vaches-laitieres-mortes-suite-a-un-incident-technique?preview=true

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